lundi 1 juin 2009

Vent de fronde contre le permis à points

La répression des infractions routières touche-t-elle à ses limites ?
La question est encore largement taboue. Surtout dans les rangs du gouvernement. Après l'annonce du doublement du parc des radars (4 500 à l'horizon 2012), la ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, a présenté cette semaine un projet de loi durcissant les peines à l'encontre des récidivistes de l'alcool au volant et des adeptes de la grande vitesse et de la conduite sans permis.
Punition collective
Les flashes ont beau n'avoir jamais autant crépité le long des axes de circulation, les pouvoirs publics peinent à endiguer certains comportements. La dernière préconisation en date, la confiscation automatique des véhicules des délinquants routiers, se traduira-t-elle par des gains appréciables en termes de sécurité ? La démonstration reste à faire au moment où, dans le propre camp de la majorité, des inquiétudes se font jour quant aux conséquences sociales de ces tours de vis répétés.
À plusieurs reprises au cours des derniers mois, des parlementaires UMP ont tenté de desserrer l'étau. Différentes propositions de loi visant à supprimer les retraits de points pour les petits excès de vitesse (entre 5 et 10 km/h) ont été rejetées. Pourtant, les statistiques commencent à faire réfléchir. 9,5 millions de points ont été retirés en 2008. Un chiffre qui ne pourra que croître avec l'extension programmée du parc des radars. La perspective d'une punition collective n'a jamais été aussi proche.
Essoufflement
10 millions de PV entraînant un retrait de points - dont 80 % pour les infractions liées à la vitesse - ont été dressés en 2007. En partant de cette donnée officielle et en prenant en compte la performance moyenne d'un radar (5 000 flashes par an), l'association 40 millions d'automobilistes a réalisé un prévisionnel impressionnant. En 2012, si les 4 500 appareils promis sont en état de marche, le nombre de permis invalidés chaque année, actuellement de l'ordre de 100 000, pourrait dépasser les 500 000. Dans cette hypothèse, les stages payants de récupération de points ne parviendraient plus à recycler les naufragés du papier rose.
En quelques années, le mariage du permis à points et des radars a largement participé à la réduction de l'hécatombe sur les routes. 7 720 tués en 2001, 4 278 en 2008. Mais le système commence aujourd'hui à s'essouffler. Alors que le parc de radars croît régulièrement, les gains en termes de vies sauvées sont de moins en moins importants. Un phénomène déjà observé en Angleterre, pays pourtant souvent cité en exemple. « Il faudra essayer de comprendre pourquoi la Grande-Bretagne, qui a déployé plusieurs milliers de radars, a vu stagner ses résultats nationaux », relevait d'ailleurs en 2006 un rapport de la Sécurité routière.
Nul ne remet en cause l'intérêt du permis à points. Seule la question de sa régulation est posée. Comment domestiquer cette machine administrative qui arrive désormais à priver de permis des automobilistes n'ayant jamais mis en danger la vie d'autrui ? La réglementation fondée sur la philosophie de l'automaticité de la sanction ôte aux juges tout pouvoir d'appréciation. Les voix sont de plus en plus nombreuses à s'élever pour ramener ces contentieux dans l'orbite judiciaire. De façon à contenir les effets pervers parfois préoccupants générés par cette répression à outrance.
Trafic de points
Des centaines de milliers de personnes circulent aujourd'hui sans permis. Le trafic de points, que ce soit sur le Net ou entre amis, prospère en toute impunité et progressivement s'instaure une justice à deux vitesses. Elle est incarnée par de grands cabinets d'avocats parisiens spécialisés dans la traque des vices de procédure, le seul terrain juridique ouvert aux contrevenants. Seuls les automobilistes les plus fortunés ont accès à ces juristes qui se targuent, pas toujours à raison, de pouvoir récupérer tous les points perdus.
Nul doute que si la confiscation des véhicules a bientôt force de loi, des stratégies de contournement apparaîtront rapidement, les voitures étant mises au nom d'un tiers. En la matière, l'imagination de certains paraît sans limites. Un chef d'entreprise ne vient-il pas d'inventer le premier avertisseur de radars sur téléphone mobile ?

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