samedi 5 juillet 2008

Permis de conduire: le business des «stages permis points»


Les stages de récupération de points du permis de conduire sont en plein essor. Les professionnels du secteur se disputent ce marché, très juteux et ouvert à tous. Le gouvernement veut faire le ménage



«Pour deux pneus achetés, votre stage de récupération de points du permis de conduire à tarif préférentiel.» Voilà comment les enseignes automobiles attirent leurs clients aujourd'hui. Et ça marche.


















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Avec le renforcement des contrôles routiers et l'automatisation des sanctions, les automobilistes n'ont jamais été autant verbalisés. En 2006, quelque 8 millions de points ont été retirés contre 3 millions en 2002. Et dans le même temps, 88.000 permis de conduire ont été annulés pour solde nul.



Alors, pour éviter de perdre leur permis, près de 200.000 conducteurs ont suivi l'an dernier un stage de récupération des points. Le principe est simple: deux jours de sensibilisation à la sécurité routière, animés par un psychologue et un professionnel de la conduite. Avec à la clef, quatre nouveaux points, tout beau, tout neuf. Bien sûr, un tel stage n'est pas gratuit. Les prix varient entre 200 et 300 euros.

Un marché juteux



A l'origine, ces stages étaient organisés par les professionnels de la sécurité routière. Les auto-écoles bien sûr, et certaines associations comme l'Automobile club. Mais, à partir de 2002, avec le renforcement de la politique de sécurité routière, le marché a explosé. «Certains ont vu un eldorado dans l'organisation de ces stages. Le bon filon pour gagner de l'argent » résume Vincent Clevenot, directeur formation à l'Automobile club.

Un nouveau métier est né: gérant de centre permis à points. Vincent Clevenot se souvient d'un reportage diffusé à l'époque à la télévision à une heure de grande écoute. « Une catastrophe pour la profession. C'est de là que tout est parti. Le documentaire racontait la belle histoire d'un entrepreneur, ne connaissant rien à la sécurité routière, qui avait fait fortune en organisant de stages permis à points. On le voyait au bord de sa piscine, plein aux as.» En cinq ans, le nombre de centres agréés a doublé. Il en existerait 1.300 aujourd'hui selon le Syndicat national des professionnels du permis à point (SNPAP).

Dans l'état actuel du droit, ouvrir son centre de permis à points est à la portée de tous. «Il vous suffit d'une photocopieuse, d'une ligne téléphonique, d' un peu d'organisation, et le tour est joué ! Même le boucher du coin peut tenter sa chance» explique Jean-François Candelon, président de l'Association nationale des professionnels de la sécurité routière (ANPSR). Seules quelques conditions formelles suffisent en effet pour demander l'agrément de la préfecture.

Résultat, aujourd'hui, le marché est éclaté, dominé par des entrepreneurs privés. «Pour eux, le souci de rentabilité passe avant la mission d'intérêt général de cette formation» déplore Pierre Lemayitch, secrétaire général de l'Association nationale pour la promotion de la sécurité routière (ANPER).

Vers un meilleur encadrement



Face à cette nouvelle concurrence, les professionnels de la sécurité routière s'accordent sur la nécessité d'un meilleur encadrement par la loi et d'un contrôle régulier. «La profession a besoin d'un grand nettoyage, c'est clair. Sur le terrain, on rencontre tout et n'importe quoi » reconnaît Vincent Clevenot, de l'Automobile club. Encore faut-il s'entendre sur le contenu des réformes.

Au ministère des Transports, Cécile Petit, la présidente de la Direction centrale de la sécurité routière, s'apprête à ouvrir la table des négociations. «Compte tenu de l'inflation du nombre de stagiaires, il apparaît nécessaire de revoir les conditions d'encadrement des stages. Mais rien n'est encore arrêté, l'heure est à la discussion.» En ligne de mire, les gérants des organismes de stages : «Ils devront répondre à des conditions, et notamment avoir une expérience dans le domaine de la sécurité routière.» Alors, bientôt la fin de la loi de la jungle?

Au lieu de rassurer les professionnels du secteur, ce futur dispositif règlementaire inquiète. A demi-mot, Jean-François Candelon craint le poids du lobby des auto-écoles et des organismes de transports routiers, qui aimeraient se garder le marché. «Attention, à trop limiter le nombre d'opérateurs,on risque la catastrophe : les listes d'attente vont s'allonger, et les prix vont flamber!». Et puis, comme le souligne Sylvie Barat, fondatrice du portail Permisapoints.fr, «Moins de centres pourraient obliger certains usagers à faire jusqu'à 100 kilomètres pour suivre leur stage. Pas tellement dans l'esprit de la sécurité routière, non?»


 Source : Libération

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