dimanche 17 février 2008

"La France sans permis", par Airy Routier où quand l'intelligence nous permet de respirer ...

Du miel que je vous livre en texte et en vidéo ...

L'Etat ment. Ou, devrais-je dire, les hommes de l'Etat mentent. Même leurs succès à la plus limpide évidence sont entâchés d'ombres. Et, malheureusement, il en va pareillement de la seule mission que Jacques Chirac ait correctement menée : faire reculer le nombre de morts sur les routes de France. Ainsi, entre 2000 et 2005, ces chiffres macabres ont diminué de 34,8%. C'est la meilleure performance européenne en la matière... Mais regardons-y de plus près, car le pot est garni de très belles roses, comme le démontre Airy Routier (ce n'est pas une blague !) dans son livre, La France sans permis, Paris, Albin Michel, 2007.
Airy Routier est le rédacteur en chef du Nouvel Observateur. Suite à une déplaisante expérience avec la police, il décide d'enquêter sur la politique de répression routière à la française. Le jugement est sans concession.
C'est que les succès en la matière masquent, en réalité, le détournement de la cause par l'Etat, qui y voit un juteux pactole propre à renflouer ses caisses (les amendes lui ont rapporté 620 millions euros en 2006), et par le lobby des associations de lutte contre la violence routière, qui cherchent à imposer leurs vues coûte que coûte. Pour ces associations, et pour l'Etat qui les suit docilement, les automobilistes sont des criminels en puissance qu'il faut très étroitement surveiller.
L'auteur relève qu'il n'existe pas en France de contre-pouvoirs aptent à contre-balancer ces lobbies, alors qu'à l'étranger, en Allemagne, au Mexique, en Italie ou au Royaume-Uni par exemple, la sécurité routière se gère dans un dialogue constructif entre les autorités et les automobilistes. C'est que ceux-ci s'organisent au sein de puissantes associations qui les représentent et qui assurent parfois certains services, comme le dépannage au Mexique. Dès lors, la politique de sécurité routière est livrée en France à la vindicte des associations, à la rapacité de l'Etat et à la dérive administrative.
Se faisant, elle repose sur une belle série de désinformations. Voici deux exemples. Le premier, c'est que la chute du nombre de morts sur les routes est un phénomène commun à tous les pays européens, ou peu s'en faut. Cette tendance générale s'explique par l'évolution des mentalités et le changement du statut symbolique de la voiture. Si la France est championne, c'est au prix d'un appareil répressif dont les autres pays ont su faire l'économie (car inutile et coûteux). Son réseau, unique au monde, de radars automatiques n'est pas sans rappeler Big Brother et les descriptions que fait Airy Routier laissent songeur...
Le second exemple, c'est que la réduction des vitesses maximales autorisées n'est probablement pas la cause des bons résultats français. Pour preuve, le nombre de morts a augmenté de 16,7% en 2005, alors même que la vitesse moyenne diminait. En outre, 97% des accidents mortels ont lieu à moins de 75 km/h : la grande vitesse n'est pas la plus meurtrière ! Ce qui est efficace, c'est plus certainement le port de la ceinture (ou du casque pour les deux roues) et les progrès réalisés par la sécurité passive et active des véhicules (ABS, airbag, carosserie déformable, etc.). Mais, pour l'Etat, faire la chasse aux excès de vitesse est rentable... [1]
Symbole de cette dérive, le permis à points. Celui-ci est un instrument qui sert à châtier les automobilistes. Surtout, Airy Routier dénonce un système qui exclut le juge. A l'étranger, ce sont des juges qui décident de condamner ou non l'automobiliste fautif, en tenant compte des circonstances. En France, seul l'agent de police décide, le plus souvent arbitrairement et sans nuance. En matière de sécurité routière, on est très souvent condamné sans être jugé... Il faut bien noter ce fait, car il n'est toléré nul par ailleurs par le droit...
Airy Routier épingle également le permis de conduire, scolaire et trop difficile. Il est vrai que le taux d'échec à l'examen du permis... est de 50% ! Tel que conçu actuellement, il exprime selon lui le goût immodéré, et bien français, pour les diplômes. Malheureusement, il ne permet pas d'assurer que le conducteur sera un bon conducteur : selon lui, ceux qui réussissent l'examen du premier coup ont plus d'accidents que les autres. Surtout, ce système fondé sur l'échec fait le bonheur des auto-écoles, qui ont intérêt à voir leurs clients ne pas réussir trop vite et qui aiment les voir revenir une fois leur permis à points annulé...
Une politique appuyée par des mensonges, des automobilistes déresponsabilisés et infantilisés, un système répressif unique au monde et dérogatoire au droit commun..., les analyses d'Airy Routier sonnent souvent justes. Y compris lorsqu'il évoque les effets pervers de ce système, en premier lieu desquels l'augmentation du nombre d'automobilistes roulant sans permis... Sans doute trouvera-t-on quelques exagérations ici ou là, notamment lorsqu'il surévalue les conséquences électorales de cette politique (qui ferait le lit de Le Pen...). Toutefois, ce livre est une belle illustration de la perversité de l'Etat lorsqu'il échappe au contrôle des citoyens. En fait, à travers la question de la sécurité routière, ce sont tous les travers de l'Etat tel qu'on le conçoit en France qui apparaissent.
N.B. Une précision pour couper court aux mauvais esprits. Dès que quelqu'un critique la politique de sécurité routière, il passe pour un poujadiste inconscient et aigri de ne pas pouvoir faire tout et n'importe quoi avec sa voiture, ou bien pour un individualiste immature et égoïste. Ce n'est pas le cas de l'auteur qui ne remet pas en cause la nécessité de limiter le nombre d'accidents sur les routes. Le livre n'est pas non plus dicté par un ressentiment qui aurait été provoqué par sa garde à vue.
Note : [1] (Cette note est ajoutée postérieurement au billet.) Je viens de lire un propos similaire sur evoweb : « Insécurité étatique », ici.
Source : Lescarnets.net

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